Le data solutionnisme, un nouvel ordre mondial numérique
A chaque fois, les larmes ont vite séché et les esprits se sont mis à accuser. Sur le banc des prévenus, il y a les médias et les politiques, critiqués de n’avoir rien vu venir. Mais surtout, il y a Facebook et Google, pointés du doigt pour avoir maintenu leurs utilisateurs dans une bulle de filtres algorithmiques exempt de contenus pro-Trump et pro-Brexit. Et si le véritable coupable, c’était l’algorithme? Voilà plusieurs années que ce petit logiciel informatique ultra performant conçu pour prendre des décisions sans interventions humaines attire l’attention.
Discrètement, il s’émancipe dans notre quotidien. On le nomme au conseil d’administration pour ses compétences d’analyse stratégique. Il règne sur la finance mondiale en gérant les flux financiers. C’est aussi lui qui nous suggère des lectures sur Amazon. On le retrouve dans le rôle de l’entremetteur amoureux sur les applications de rencontres comme Tinder. En voyagiste sur Airbnb et TripAdvisor. En DJ sur Spotify… Si les algorithmes sont partout, ce sont aussi les nouveaux prolétaires de la 4e révolution industrielle qui gloutonnent des milliards de données à la seconde pour notre confort de femmes et hommes connectés.
Mais à force de creuser dans les mines du Big Data, ils ont fini par bien nous connaître. Peut-être trop. Et leur omniprésence a fini par éveiller les soupçons, voire certaines craintes. On les accuse de tous les maux de la société numérique sans les interroger. A l’origine, l’algorithme au sens informatique, est né en 1936 dans la tête d’Alan Turing. A 24 ans seulement, le mathématicien et cryptologue britannique postule l’existence théorique d’une machine programmable, capable d’effectuer vite toutes sortes de calculs, à condition d’être programmée pour cela. En 2020, les algorithmes se sont démultipliés, mais n’ont pas pris une ride. Ils sont à l’image d’une recette de cuisine. Il y a des ingrédients de base. Ensuite, le cuisinier peut ajouter du sel, du poivre, et le plat sera différent.
Les algorithmes font ainsi des choses que nous avons programmées, il faut donc enquêter sur ceux qui les fabriquent. En résumé, ces petits logiciels ne sont ni bons, ni mauvais. Et surtout pas neutre. Facebook et Google investissent d’ailleurs des sommes colossales pour «améliorer» leurs algorithmes en leur inculquant quelques bons principes d’éducation. Mais en se basant sur quels critères? Google, par exemple, modifie sa recette plus de 600 fois par an, dans le plus grand secret commercial. Et c’est là tout le génie du mastodonte californien. Car la forme la plus haute du pouvoir n’est-elle pas d’avoir la capacité de surveiller les moindre faits et gestes tout en cachant les siens?
Rédaction – Mehdi Atmani – Flypaper Media _ Illustration – Jérôme Viguet – Cartoonbase SÀRL